Brève réflexion sur la migration entre l’Afrique et l’Europe

Docteur Ousmane KABA

Par le Dr. Ousmane KABA
Fondateur de l’Université Kofi Annan de Conakry
Président du PADES

Qui n’est pas agressé et choqué par les images insoutenables des hordes de  migrants sur des bateaux en perdition ou en naufrage sur la Méditerranée ? Qui peut rester insensible à la détresse humaine qui se dégage  des corps sans vie de jeunes hommes et des jeunes femmes épuisés  après des jours ou des semaines de soif dans le désert brûlant du Sahara ? Quel africain ne s’est pas senti humilié par l’errance sans fin, ballottée de port en port sur la Méditerranée de la cargaison humaine de l’Aquarius ?

 

Le drame de la migration qui a littéralement explosé ces dernières années interpelle la conscience de chacun et de tous.

Tandis que les flux migratoires mettent à mal l’humanisme européen, font trembler les convictions politiques les plus enracinées, remettent en selle l’extrême droite prompte à fermer les portes de l’occident riche, les africains ont le sentiment humiliant d’avoir échoué. Échec retentissant du désespoir des jeunes.

Docteur Ousmane KABA

Par le Dr. Ousmane KABA
Fondateur de l’Université Kofi Annan de Conakry
Président du PADES

Il est vrai que la migration massive et incontrôlée ou plutôt l’émigration des forces vives vient d’abord sanctionner la pauvreté matérielle de nos sociétés. Ces pays sont incapables de fournir des opportunités de travail décent et donc bien payé à des millions de jeunes. Ces millions de jeunes émigrés sont le reflet d’une faillite économique évidente : faiblesse de la croissance économique par rapport à la croissance de la population, manque d’infrastructures adéquates, systèmes éducatifs non adaptés au monde du travail, insuffisance de création d’entreprises, insuffisance des investissements locaux et étrangers, systèmes financiers tournés vers les importations et non vers la production intérieure, chômage massif et de longue durée des jeunes éduqués et non éduqués.

 

L’émigration massive des jeunes est également déclenchée par la violence politique, les instabilités et les guerres civiles ou entre pays. En effet les dictatures qui ballonnent les peuples jettent les milliers de jeunes désespérés sur la route de l’exil. Les élections truquées, les mandats renouvelés à l’infini sur base de corruption  à grande échelle sont des ferments  du désespoir. En outre la destruction de l’environnement avec ses conséquences de désertification et de changement climatique est aussi à l’origine de la famine rampante qui pousse inexorablement le monde paysan et les bras valides à l’exil.

 

Cependant  tous ces facteurs ne suffisent pas, à notre avis, à expliquer la soudaine et récente vague migratoire car ces facteurs existent depuis plusieurs décennies. Nous pensons qu’il faut explorer la mondialisation et les technologies de l’information et de la communication.  La mondialisation ne concerne pas   que la mobilité des marchandises.  En effet, le Cinéma, la télévision et internet ont gommé les distances et renforcé l’influence culturelle. Les images de l’Europe et de l’Amérique sont devenues des  Eldorados pour la jeunesse africaine. Ces modes de vie idéalisés ou plutôt des paradis ont envahi les consciences des jeunes africains. Le village planétaire a aboli les distances. Celles-ci sont devenues virtuelles. L’Europe devient la porte à  côté dans le village mondial. En plus, le voisin qui est revenu en vacances d’Europe avec beaucoup d’argent  devient un exemple irrésistible à suivre.

 

Comment éviter dans ces conditions le départ des forces vives d’Afrique avec des effets nocifs comparables à ceux de la traite négrière ? Il faut restaurer la liberté démocratique (gouvernance politique) et la bonne gestion économique (gouvernance économique et administrative)

 

Comment éviter la déstabilisation politique et économique de l’Europe ? Par le renforcement de la coopération économique avec l’Afrique où elle doit investir massivement dans tous les secteurs porteurs de croissance et créateurs d’emplois. Par la facilitation de la circulation des personnes (visas longs plus faciles qui favoriseraient les retours des immigrés). Une politique d’accueil plus humaine et compatible avec les valeurs européennes d’humanisme.